+ impossible

Certains dessins sont des sons, certaines images résonnent comme des notes sorties d’une guitare ou d’un piano électrique, certains crayonnés donnent naissance à des bruits, à des musiques inattendues, inespérées.

Dessiner un son, dit-on, est un pari perdu, une idée impossible à réaliser. Pourtant, c’est bien de là que nous sommes partis, lorsque nous avons voulu explorer ce qui se passait à la frontière entre le dessin et la musique, entre le geste qui consiste à tracer une ligne et celui qui consiste à jouer un accord. Entre le fait de créer des séquences d’images et celui de composer des morceaux, soient-ils constitués de bruits concrets ou d’accords harmonieux.

Mêmes gestes, mêmes envies : dessiner et composer, c’est d’abord jouer avec notre part de liberté, avec l’idée que l’on peut faire de la musique et faire des dessins en ayant une dextérité très affirmée, mais aussi sans en avoir non plus, en étant amateur de sa propre pratique.

Impossible, c’est un peu tout cela mis dans une revue épisodique, régulière dans ce qu’elle propose et irrégulière aussi dans ses temps de parution: nous y publions des dessins sans autre intention préconçue, sinon celle de les retrouver là, ensemble au milieu de quelques autres.

Si Impossible existe et vit, c’est aussi grâce à une forme d’électricité qui passe entre nos dessins. Une électricité vive qui prend naissance au moment précis où chacun dessine dans son carnet, seul.

Comment cela se passe-t-il entre nous ? Impossible de le dire, impossible de le savoir. Mais résonnent pourtant bien ces mots écrits le 10 juin 1972 par Pierre Schaeffer à propos de son travail avec Pierre Henry : « L’un s’enferme, se concentre, en rajoute. L’autre s’enfuit, se disperse, donne le change. Le jeu, pourtant, en valait la chandelle, dans le disparate des règles, dans la confusion des valeurs : donne-moi ton piano, je te prêterai mes hauts-parleurs », et plus loin : « nous nous faisons des signes parfois, par-dessus le mur d’enceinte… » – IMPOSSIBLE, c’est d’abord cela : par-dessus les murs, qui s’érigent trop vite, se faire et s’envoyer des signes, des échos de nos vies.

Charles Berberian, Joseph Ghosn, Philippe Dupuy