+ chevauchements

« I’d be riding horses if they let me / sleep outside at night and not take fright » – La chanson, Horses (écrite par Sally Timms, surtout interprétée par Will Oldham époque Palace Brothers), vient immédiatement à l’esprit en regardant les dessins préparés par Philippe Dupuy et Charles Berberian pour leur exposition à la galerie 12mail. Une exposition qui, sous couvert de montrer des chevaux, pointe quasiment en contrebande une nouvelle liberté surgissant soudain dans leur travail, soit-il à deux ou en solitaires, chacun chez soi. Une liberté qui leur permet d’expérimenter, de sortir des cadres de la bande dessinée, où ils travaillent depuis 30 ans – la légende et Wikipedia affirment ainsi qu’ils se sont rencontrés en 1983. Désormais, en plus de la BD, ils investissent d’autres champs, qu’ils sont les rares, dans leur metier, à oser : dessiner librement et hors cadres, improviser, tenter des installations, s’échapper surtout, toujours – ne jamais avoir peur d’être ailleurs.

Cette sensation de liberté absolue se fait aussi ressentir grâce aux correspondances étranges, souvent intimes, parfois saisissantes, souvent impromptues, qui se font jour lorsque leurs dessins, selon le principe retenu ici, se chevauchent : l’un sur l’autre, en transparences dévoilant des corps, des espaces, des figures, des chevaux, des centaures recomposés à l’envi, par le calque, le décalque, la superposition. Des fruits du hasard ? Pas vraiment. Plutôt de la télépathie dessinée et, surtout, une même source d’inspiration, très concrete : le morceau Cheval Mouvement de Rodolphe Burger, qu’ils accompagnent sur scène, improvisant des dessins sur ses sons. Cheval Mouvement, donc, dont on retiendra ici une phrase en lancer de flèche programmatique : « Would you like to see what else is in your bag ?” faisant écho à ce que Dupuy et Berberian jettent désormais à notre face de lecteurs qui ont appris à grandir en lisant leurs livres, en regardant leurs dessins : venez voir ce qu’il y a dans notre sac. Des surprises, à l’infini. Et pas mal de génie aussi. Du génie chevauché, fantastique.

Joseph Ghosn